Malgré le principe d’interdiction du cumul de poursuites pour les mêmes faits dit non bis in idem, la réserve d’interprétation française au protocole n°7 à la Convention européenne des droits de l’homme autorise le cumul des sanctions pénales et fiscales, sous certaines conditions. Le 22 mars 2023, la Cour de cassation a précisé les conditions d’application du principe de proportionnalité des délits et des peines, dans le cadre d’un cumul de poursuites pénales et fiscales.
Le litige prend sa genèse dans la condamnation d’un entrepreneur individuel, par le tribunal correctionnel, notamment au titre des chefs de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée et à l’impôt sur le revenu pour trois années fiscales.
Par suite de l’appel interjeté par le procureur de la République et l’administration fiscale, la Cour d’appel l’a déclaré coupable des chefs de soustraction frauduleuse à l’établissement ou au paiement de l’impôt, et omission d’écriture dans un document comptable.
Invoquant le principe non bis in idem garanti par l’article 50 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ainsi que le principe de proportionnalité des délits et des peines, le prévenu a formé un pourvoi en cassation.
Il soutenait avoir déjà fait l’objet, à titre personnel, d’une procédure de rectification ayant donné lieu à l’application de pénalités fiscales définitives égales à 40% des droits éludés. Il contestait donc sa condamnation aux motifs que celle-ci se heurtait au principe non bis in idem en vertu duquel nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement pour une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement pénal définitif.
La Chambre criminelle a sursis à statuer et saisi la CJUE de deux questions préjudicielles relatives au dispositif français de répression de la fraude fiscale, permettant le cumul de poursuites et de sanctions de nature pénale par la combinaison des articles 1729 et 1741 du Code général des impôts.
Le 5 mai 2022, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) affirmait que le principe non bis in idem ne s’oppose pas à ce que la limitation du cumul de poursuites et de sanctions de nature pénale ne résulte que d’une jurisprudence établie, dès lors que l’interprétation des circonstances du cumul est suffisamment claire et raisonnablement prévisible pour le contribuable.
Par ailleurs, la CJUE rappelait la nécessité, dans les cas de cumul d’une sanction pécuniaire et d’une peine privative de liberté, que la réglementation nationale assure, par des règles claires et précises, que l’ensemble des sanctions infligées n’excède pas la gravité de l’infraction constatée.
Tirant les conséquences de cette réponse, l’arrêt d’appel est cassé au visa des articles 50 et 52 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, et 1741 du Code général des impôts. En effet, la Cour de cassation reproche aux juges du fond de ne pas avoir recherché si la répression pénale était justifiée au regard de la gravité des faits retenus, alors qu’une pénalité fiscale avait déjà été prononcée.
En outre, la Haute juridiction déclare qu’ils ont l’obligation de vérifier, in concreto, la proportionnalité des sanctions pénales appliquées, au regard des sanctions fiscales déjà définitivement prononcées, et de la gravité concrète des faits commis.
Référence de l’arrêt : Cass. crim du 22 mars 2023, n° 19-81.929.
Sophie Ferry
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