L’appel-nullité est une voie de recours exceptionnelle permettant de contester un jugement rendu en première instance, qui ne pourrait pas faire l’objet d’un appel classique, en raison d’un vice affectant la régularité de la procédure, en particulier en cas d’excès de pouvoir. Cette procédure permet de demander l’annulation d’une décision lorsque le juge excède ses prérogatives légales.
Jusqu’à présent, la Cour de cassation reconnaissait au Conseiller de la mise en état la compétence pour se prononcer sur la recevabilité de l’appel-nullité, conformément à l’article 907 du Code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019. Ce texte confère au conseiller de la mise en état les pouvoirs du juge de la mise en état, incluant la capacité de statuer sur les fins de non-recevoir, comme le prévoit l’article 789 dudit Code.
Le 22 novembre 2023, la Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence en restreignant les compétences du conseiller de la mise en état, lorsqu’un appel-nullité est fondé sur un excès de pouvoir.
Dans cette affaire, une société, placée en redressement judiciaire, avait fait l’objet d’un plan de cession qui incluait l’inaliénabilité du fonds de commerce pour une période de cinq ans. La société cessionnaire, dans le cadre d’une procédure de conciliation, avait obtenu, dans l’accord de conciliation homologué en juin 2017, la levée de cette interdiction pour les restructurer ses dettes, lui permettant ainsi de vendre des lignes de production. Après le placement de la société cessionnaire en redressement judiciaire, un plan de cession avait été arrêté. Les liquidateurs avaient alors formé opposition au jugement rendu en juin 2017, estimant que ce dernier avait été obtenu en violation des limites du pouvoir juridictionnel du tribunal, et au préjudice et en fraude des droits des créanciers. Le conseiller de la mise en état avait déclaré les appels réformation et appels-nullité irrecevables.
Tout d’abord, dans un précédent arrêt du 14 mai 2008, la Cour de cassation avait affirmé la compétence du conseiller de la mise en état pour déclarer un appel irrecevable, y compris dans le cadre d’un appel-nullité. Elle avait rendu sa décision en application de l’article 911 du Code de procédure civile, qui ne fait aucune distinction entre les diverses formes d’appel.
Toutefois, le 3 juin 2021, la haute juridiction avait précisé que le conseiller de la mise en état ne peut connaître ni des fins de non-recevoir qui avaient été traitées par le juge de la mise en état ou le tribunal, ni de celles qui, bien que non traitées en première instance, avaient pour conséquence de remettre en cause ce qui avait été jugé au fond par le premier juge. Si le conseiller de la mise en état a l’obligation de mettre en œuvre les prérogatives que lui reconnaît le législateur, il ne peut prendre une décision ayant pour effet de porter atteinte à l’autorité de la chose jugée en première instance.
Ainsi, la Cour de cassation confirme que le conseiller de la mise en état et la Cour d’appel, statuant en déféré, ne peut apprécier la recevabilité d’un appel-nullité fondé sur un excès de pouvoir, car cela reviendrait à remettre en cause la recevabilité de la décision initiale. Cette décision vient alors limiter les pouvoirs du conseiller de la mise en état pour préserver l’autorité de la chose jugée.
Par conséquent, elle casse et annule la décision d’appel, qui avait confirmé l’ordonnance du conseiller de la mise en état déclarant irrecevable l’appel-nullité. Arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 22 novembre 2023, n°21-24.839
Aline Faucheur-Schiochet
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