Fiscalité
La loi de finances (enfin) adoptée par 49.3 contient finalement assez peu de surprises dans la mesure où le gouvernement de François Bayrou est reparti du projet déposé par Michel Barnier.
L’équipe de droit fiscal du cabinet Filor avocats vous propose un rapide tour d’horizon, en commençant par la contribution différentielle applicable à certains contribuables titulaires de hauts revenus (« CDHR »).
💡Qu’est-ce que c’est cette surtaxe ?
En quelques lignes, il s’agit de la transposition aux ménages du dispositif OCDE relatif à l’imposition minimale mondiale de 15 % des groupes d’entreprises (cf articles 223 VJ et suivants du Code Général des Impôts).
Cette contribution concerne les foyers fiscaux dont le revenu fiscal de référence (retraité) excède 250.000 € pour les célibataires, veufs, séparés ou divorcés et 500.000 € pour les contribuables soumis à une imposition commune.
Pour ces foyers, si le taux d’imposition moyen est inférieur à 20 % du revenu fiscal de référence (contribution exceptionnelle sur les hauts revenus « CEHR » comprise), cette contribution supplémentaire s’appliquera de façon à atteindre un taux effectif d’imposition de 20 %.
Tel que présenté par les gouvernements successifs, il s’agit d’un « filet de rattrapage » concernant les contribuables ayant accumulé des crédits et réductions impôts, mais visant surtout ceux ayant pleinement profité du prélèvement forfaitaire unique dont le taux pour l’impôt sur le revenu est de 12,8 %.
💡Qui est concerné et comment déterminer le champ d’application de la CDHR ?
Autrement dit, à quoi correspondent les seuils fatidiques de 250.000 € et 500.000 € ? Ces montants correspondent, au départ, au revenu fiscal de référence, soit une assiette plus large que celle retenue pour l’impôt sur le revenu puisqu’elle permet de réintégrer certains revenus exonérés d’impôt sur le revenu et de neutraliser une partie des dépenses fiscales qui diminuent le montant d’imposition.
Il a néanmoins été décidé de retraiter ce revenu fiscal de référence. En clair, ce revenu « retraité » pour le calcul de la CDHR est plus restreint que celui retenu pour la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR).
Sont notamment exclus du calcul d’appréciation des seuils de 250 k€ et 500 k€ :
- L’abattement fixe de 500 000 € applicable aux gains de cession de titres de PME réalisés par les dirigeants lors de leur départ à la retraite (article 150-0 D ter du CGI),
- Les plus-values d’apport-cession constatées par les particuliers lors de l’apport de leurs titres à une société qu’ils contrôlent pour lesquels le report d’imposition expire (article 150-0 B ter du CG),
- Les bénéfices exonérés réalisés par les entreprises nouvelles qui se créent dans les zones d’aide à finalité régionale (Article 44 sexies du CGI),
- Les bénéfices exonérés réalisés par les jeunes entreprises innovantes et les jeunes entreprises universitaires (Article 44 sexies A du CGI),
- Les bénéfices exonérés réalisés par les entreprises créées en zones de restructuration de la défense, dans les zones franches d’activité des départements d’outre-mer, dans les zones de revitalisation rurale ou les zones France ruralités revitalisation, dans les bassins urbains à dynamiser, dans les zones de développement prioritaire (Article 44 terdecies à 44 septdecies du CGI),
- Les revenus concernés par le régime dit de l’impatriation (article 155 B du CGI).
Enfin, un système de lissage existe pour les contribuables ayant perçu des revenus exceptionnels et vise à éviter de les faire entrer dans le champ d’application de la nouvelle contribution dès lors qu’ils se trouveraient sous le seuil d’assujettissement en l’absence de ces revenus exceptionnels. Pour ces contribuables, les revenus exceptionnels sont retenus pour le quart de leur montant.
💡Quel quantum pour cette nouvelle imposition ?
A la supposer applicable, cette surtaxe sera égale à la différence entre :
(i) le montant résultant de l’imposition à 20 % du revenu fiscal de référence retraité ;
(ii) et le montant résultant de la somme du montant de l’impôt sur le revenu, de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et des prélèvements forfaitaires libératoires effectivement acquittés par le contribuable. Il n’est donc pas question de tenir compte des prélèvements sociaux de 17,2 % (évidemment…).
A noter, tout de même que pour le montant d’impôt effectivement acquitté, le texte prend en compte les charges de famille. Le quantum des impositions acquittées est en effet majoré de 1.500 € par personne à charge et de 12.500 € pour les personnes soumises à imposition commune.
De façon favorable et afin « de ne pas remettre en cause les avantages acquis, ou les espérances pouvant légitimement être attendues de tels avantages, au titre de ces dispositions dérogatoires », le montant de l’impôt effectivement acquitté est également majoré de l’avantage en impôt procuré par une série de dépenses fiscales et notamment, les réductions et crédits d’impôt destinés aux entreprises, les réductions d’impôt au titre des dons faits par les entreprises à des œuvres ou des organismes d’intérêt général, crédit d’impôt famille, crédit d’impôt pour formation des dirigeants, crédit d’impôt en faveur des métiers d’art, crédit d’impôt pour la rénovation énergétique des bâtiments à usage tertiaire affectés à l’activité des PME, etc.
Enfin, un système de décote vise à éviter « les ressauts d’imposition potentiellement excessifs » et s’applique lorsque le revenu fiscal de référence se situe entre 250.000 € et 330.000 € pour les célibataires et entre 500.000 € et 660.000 € pour les couples.
💡Quand et comment faudra-t-il la régler ?
Le texte initial prévoyait une application sur les revenus 2024, 2025 et 2026. Le texte adopté limite son application aux revenus de l’année 2025. Si cette contribution sera logiquement liquidée en 2026, le texte a prévu le versement d’un acompte entre le 1er et le 15 décembre 2025 égal à 95 % du montant de la contribution estimée par le contribuable.
Ce mécanisme d’acompte laisse présager quelques difficultés pratiques puisque, outre le fait de devoir se pencher sur les revenus de l’année 2025 bien avant la campagne déclarative (i.e., fin mai – début juin 2026), les contribuables concernés devront déterminer le montant de la CDHR en tenant compte des revenus réalisés jusqu’au 1er décembre 2025 ainsi qu’en réalisant une estimation des revenus susceptibles d’être réalisés entre le 1er et le 31 décembre 2025.
Une majoration de 20 % s’appliquera en cas de défaut ou de retard de paiement de l’acompte et lorsque le redevable aura mal estimé le montant de l’acompte (la majoration s’appliquera en cas d’écart supérieur à 20 % et elle s’appliquera sur cet écart. La position du Conseil Constitutionnel sera attendue avec attention sur ce dernier point…).
Enfin et outre les difficultés qui s’annoncent, il est légitimement permis de s’interroger sur le fait que cette contribution reste véritablement temporaire. Cette nouvelle imposition figure en effet directement dans le corps du Code Général des Impôts et on ne se souvient que trop bien de la contribution au remboursement de la dette sociale instaurée en 1996 et qui devait disparaître en 2009…
Erika Martin
Pacte Dutreil : l’appréciation de l’éligibilité en cas d’activité mixte
2 avril 2024 Lire l'articleErika Martin
Travail dissimulé et obligations du donneur d’ordre : que dit le Code pénal ?
19 mars 2024 Lire l'articleErika Martin
la fiscalité de la vente du cheval de sport par les particuliers
28 décembre 2017 Lire l'articleConsultez nos experts
Filor Avocat propose une consultation personnalisée en visio-conférence auprès des avocats associés du cabinet et cela quelque soit votre demande.
Voir toute l'équipe
Nous consulter
Filor Avocats propose une consultation personnalisée en présentiel ou en visio-conférence quelque soit votre demande.
Nous consulter