Que nous réserve cette tardive loi de finances ?

Fiscalité

Suite à l’adoption du projet de loi de finances pour 2025, l’équipe fiscale du cabinet Filor Avocats se propose de balayer les principales dispositions applicables aux entreprises et aux particuliers. Nous vous donnions hier les détails de la Contribution Différentielle sur les Hauts Revenus, place ce jour à la présentation des autres mesures.

💡Cotisation sur la Valeur Ajoutée des Entreprises : (nouveau) report de suppression et création d’une contribution complémentaire

Initialement, dans un objectif de soutien à l’activité économique, la loi de finances pour 2023 avait prévu la suppression totale de la CVAE en 2024. La loi de finances pour 2024 avait cependant reporté cette suppression à 2027. Dans cette logique de recul, la loi de finances pour 2025 reporte une nouvelle fois cette suppression à 2030.

Bien loin de l’idée d’un soutien à l’activité économique, la loi de finances instaure également une contribution complémentaire à la CVAE.

Cette contribution est égale à 47,4 % de la CVAE due au titre de l’année 2025 (article 1586 ter du CGI). Un acompte de 100 %, calculé d’après la CVAE retenue pour le paiement du second acompte sera à verser au plus tard le 15 septembre 2025. Le solde devant lui être versé le 5 mai 2026.

Le plafonnement de la CET en fonction de la valeur ajoutée ne devrait pas s’appliquer à la contribution complémentaire.

💡Le Crédit d’Impôt Innovation (« CII »)

Le CII voit son taux réduit et passer ainsi de 30 % à 20 %. Menacé de suppression, il a néanmoins été reconduit jusqu’en 2027.

💡Crédit Impôt Recherche (« CIR »)

La loi de finances pour 2025 marque la :
• Fin du dispositif « jeunes docteurs » à compter de la promulgation de la loi de finances : ce dispositif permettait que les dépenses de personnel se rapportant à des personnes titulaires d’un doctorat soient prises en compte pour le double de leur montant pendant les vingt-quatre premiers mois suivant leur premier recrutement;
• Baisse du taux forfaitaire concernant les dépenses de personnel de 43 % à 40 % ;
• Fin de la prise en compte des dépenses de veille technologique.
• Fin de la prise en compte des frais liés aux brevets et aux certificats d’obtention végétale.

💡Quid de l’abaissement du seuil de la franchise en base de TVA ?

L’article 10 de la loi de finances entérine une baisse du seuil de chiffre d’affaires en-deçà duquel les petites et micro-entreprises peuvent facturer sans TVA (article 293 B du CGI). Cette loi aligne également les seuils applicables qu’il s’agisse de ventes de biens ou de prestations de services. De fait, le plafond de chiffre d’affaires à ne pas dépasser pour bénéficier du régime de la franchise en base de TVA est fixée à :
• Seuil de franchise : 25.000 € pour l’année civile précédente,
• Seuil majoré : 27.500 € pour l’année civile en cours.
La motivation de ces changements consiste à mettre fin à une concurrence déloyale entre les entreprises bénéficiant de ce régime de franchise et les autres. Il s’agit également d’une modification motivée par l’impact financier puisqu’un tel abaissement devrait générer plus de 700 millions de recettes supplémentaires.

Pour l’heure, un communiqué de presse du 6 février 2025 fait état de concertations prochaines avec « les parties prenantes », mais il n’est pas évoqué de suspension dans le texte. Cela étant le Ministre de l’Économie, Éric Lombard, a indiqué que la mesure serait « suspendue le temps d’une concertation ». A suivre donc…

💡Instauration d’une contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises pour l’année 2025

A compter des exercices clos le 31 décembre 2025, les entreprises qui réalisent en France un chiffre d’affaires supérieur ou égal à 1 milliard d’euros seront redevables d’une surtaxe exceptionnelle (et en principe temporaire). L’assiette est égale à la moyenne de l’impôt sur les sociétés dû (i) au titre de l’exercice au cours duquel la contribution est due et (ii) au titre de l’exercice précédent.

Son taux est de 20,6 % lorsque le chiffre d’affaires est inférieur à 3 milliards d’euros. Il passe à 41,2 % pour les entreprises dont le CA excède 3 milliards d’euros.

Si cette surtaxe est en principe due lors de la liquidation de l’IS en mai 2026, un acompte égal à 98 % du montant (peut-on encore parler d’acompte ?) sera à verser en même temps que le dernier acompte d’IS, soit le 15 décembre 2025.

Cette contribution n’est pas admise dans les charges déductibles pour la détermination du résultat imposable.

💡Encadrement légal des managements package

Suite à la réalisation d’opérations dites de Leveraged Buy-Out (« LBO »), les cadres dirigeants (ou les salariés occupant des postes stratégiques) peuvent recevoir différentes formes de rémunérations dont la fiscalité diffère selon la nature (revenus du capital vs revenus du travail). La jurisprudence avait bien évidemment été saisie de la question et avait édicté certaines règles. La loi de finances pour 2025 dote désormais ces « manpacks » d’un véritable cadre légal.

Ainsi, pour les cessions intervenues à compter du 1er janvier 2025, les gains seront imposés selon le régime des plus-values jusqu’à un certain seuil et comme un élément de salaire au-delà.

Pour la formule destinée à déterminer ce seuil, la voici : il s’agit du montant déterminé par application au prix payé pour la souscription ou l’acquisition des titres du multiple de la performance financière, diminué dudit prix de souscription ou d’acquisition.

Quid de la détermination de la performance financière ?

Il s’agit selon le texte de trois fois le ratio entre les 1° et 2° suivants :
• 1° La valeur réelle de la société émettrice à la date de cession des titres ou toute autre opération mentionnée à l’article 150 0 B et portant sur lesdits titres ;
• 2° La valeur réelle de la société émettrice à la date d’acquisition ou de souscription desdits titres ou, s’agissant des actions gratuites, celle de leur attribution.

💡Réforme des BSPCE

En somme, il s’agissait de faire barrage à deux décisions du Conseil d’Etat du 5 février 2024, favorables aux contribuables, qui avaient annulé des commentaires du BOFiP destinés à éviter le cumul d’avantages fiscaux.

Le texte légalise la distinction à opérer entre l’avantage salarial (i.e., la différence entre la valeur des actions souscrites au jour de l’exercice et le prix d’exercice) et le gain net de cession (i.e., différence entre le prix de cession des actions issues de l’exercice des BSPCE et la valeur desdites actions au jour de l’exercice du BSPCE).

Bousculant les règles établies par le Conseil d’Etat, le texte prévoit qu’en cas d’apport des titres issus des BSPCE, le sursis d’imposition de l’article 150-0-B du CGI ou le report d’imposition de l’article 150-0 B ter, ne concernent que le seul gain de cession. Le gain de nature salariale est quant à lui imposable dès l’apport.

Enfin, l’interdiction d’inscrire des droits ou bons de souscription ou d’attribution et des titres souscrits en exercice de ceux-ci sur un PEA est légalisée.

💡Prorogation salvatrice du dispositif d’abattement fixe de 500.000 €

L’inquiétude était réelle, il est heureux de voir que l’abattement fixe de 500.000 € s’appliquant sur les plus-values réalisées par les dirigeants de PME soumises à l’impôt sur les sociétés qui cèdent les titres de leur entreprise à l’occasion de leur départ à la retraite s’appliquera jusqu’au 31 décembre 2031 (article 150-0 D ter).

Notons également que l’enveloppe de l’abattement peut être portée à 600.000 € pour les cessions réalisées au profit de jeunes agriculteurs.

💡Le retour de l’abattement pour donations réalisées aux enfants, petits-enfants et arrières-petits-enfants pour les besoins de la résidence principale

Les donations réalisées aux enfants, petits-enfants et arrières-petits-enfants en vue d’acquérir, de faire construire une résidence principale ou de faire réaliser des travaux de rénovation énergétique au sein de cette résidence principale (article 790 A bis du CGI) bénéficient (à nouveau) d’un abattement d’un montant de 100.000 € par donateur, dans la limite de 300.000 € par donataire.

Le bien concerné doit rester la résidence principale du donataire pendant au moins cinq années. L’abattement s’applique non pas à compter du 1er janvier 2025, mais à compter la promulgation de la loi de finances pour 2025 (soit le 6 février 2025) et jusqu’au 31 décembre 2026.

💡Retouche du régime des Loueurs en meublé non professionnelle (« LMNP »)

Pour mémoire, les LMNP relevant du régime réel d’imposition déduisent, pour la détermination de leurs résultats imposables, l’amortissement de leurs biens immobiliers (hors terrains) et meubles affectés à l’exploitation. Par ailleurs, lors de la cession d’un bien immobilier exploité sous ce régime, l’imposition de la plus-value relève du régime des plus-values immobilières privées.

La loi de finances pour 2025 remet en cause l’un des avantages les plus notables du régime LMNP, pour les cessions réalisées à compter du 7 février 2025.

A compter de cette date, la détermination de la plus-value immobilière privée impliquera de minorer le prix d’acquisition du montant des amortissements admis en déduction.

A relever :
• Cette mesure impacte uniquement la détermination de la plus-value brute. Les abattements pour durée de détention sont toujours de mise et viennent donc en déduction de la plus-value brute (i.e., exonération d’IR au bout de 22 années de détention et de prélèvements sociaux au bout de 30 années).
• Cette mesure ne s’applique pas aux locations meublées consenties dans certaines résidences (notamment les EHPAD et les résidences étudiantes).
• Enfin, cette mesure vise uniquement les « amortissements admis en déduction en application de l’article 39 C du CGI ». Par suite, dans le cas fréquent où des amortissements ont été placés fiscalement en report de déduction, ces amortissements différés ne devraient pas impacter la plus-value imposable. Pour l’application de cette dernière précision, une difficulté est tout de même soulevée puisque dans le cas où le LMNP loue plusieurs biens, le stock d’amortissements différés n’est souvent pas identifié immeuble par immeuble (conformément à ce qui est indiqué dans la doctrine administrative, BOI-BIC-AMT-20-40-10-20).

💡Instauration de dispositifs de lutte contre les montages frauduleux d’arbitrage de dividendes

Ce montage dit « CumCum », consiste pour un non-résident désireux d’échapper à l’application de la retenue à la source devant être prélevée lors du versement de dividendes, à transférer de manière temporaire, lors du détachement du dividende, la propriété de ses titres à une personne qui n’y est pas soumise (un résident français par exemple).

De telles pratiques avaient été rendues publiques en octobre 2018 par Le Monde et plusieurs médias internationaux dans le cadre de l’enquête sur les « CumEx Files ». Une perte de l’ordre de 33 milliards de recettes fiscales pour la France en 20 ans avait alors été évoquée.

En réaction, la notion de bénéficiaire effectif a été introduite dans l’article 119 bis, 2 du CGI de sorte que l’administration fiscale fera application de la retenue à la source dès lors que le récipiendaire des dividendes a son domicile fiscal en France et que le bénéficiaire effectif a, lui, son domicile fiscal hors de France.

    Publié par Erika Martin

Le 6 février 2025

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