Annulation d’une rupture conventionnelle pour consentement vicié de l’employeur, la Cour de cassation précise les conséquences
La rupture conventionnelle est un mode d’extinction du contrat de travail qui ne finit pas de séduire salariés comme employeurs, puisqu’au premier trimestre 2024, le ministère du Travail enregistrait déjà un nombre de 132 468 ruptures conventionnelles homologuées.
Si en effet cette méthode de rupture permet de mettre fin au contrat de travail, à l’initiative de l’employeur comme du salarié, et ce de manière amiable et par le biais de formalités relativement simples et rapides, il est des principes qui doivent être respectés, notamment ceux-propres au consentement des parties, lequel doit être libre et éclairé, exempt de dol (manœuvres frauduleuses destinées à tromper l’autre partie) ou de violence.
Occasion a été donnée à la Cour de cassation le 19 juin 2024 de rappeler ces principes, tout en s’exprimant pour la première fois sur les effets d’une rupture conventionnelle viciée, lorsque le dol impacte l’employeur, et non le salarié.
Le litige porté devant la chambre sociale trouve sa genèse dans une rupture conventionnelle conclue entre un salarié et son employeur, finalement contestée par ce dernier, puis annulée par la juridiction d’appel pour réticence dolosive du fait du défaut d’information volontaire.
Dans les faits, l’employeur justifiait avoir signé la rupture conventionnelle, car il adhérait au souhait de reconversion du salarié dans le management, alors qu’en réalité celui-ci avait pour projet la création d’une entreprise avec deux anciens salariés, dans le même secteur d’activité.
Devant la Cour de cassation, le salarié tente de se défendre en évoquant le droit fondamental de libre exercice d’une activité professionnelle, et de l’absence dans son contrat de travail de toute clause de non-concurrence, de sorte qu’il n’était pas tenu de révéler spontanément à son employeur son projet de création d’activité concurrente et les actes préparatoires qu’il avait effectués.
Ses arguments ne sont pourtant pas retenus, et la Haute juridiction après avoir rappelé que constitue un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie, retient que la Cour d’appel en ayant constaté que le salarié avait volontairement dissimulé des éléments dont il connaissait le caractère déterminant pour l’employeur afin d’obtenir le consentement de ce dernier à la rupture conventionnelle, avait valablement jugé que le consentement de l’employeur avait été vicié, sans faire peser sur le salarié une obligation d’information contractuelle, ni porter atteinte à sa liberté d’entreprendre.
Mais la Cour de cassation ne s’arrête pas à ce seul constat, puisque la rupture conventionnelle étant annulée, le sort du traitement de la rupture du contrat de travail et ses effets restaient à trancher.
Sa décision est alors suffisamment claire pour être reproduite : « lorsque le contrat de travail est rompu en exécution d’une convention de rupture ensuite annulée en raison d’un vice du consentement de l’employeur, la rupture produit les effets d’une démission ».
Solution non sans conséquences pour le salarié, qui outre le fait d’être contraint de rembourser les indemnités de rupture, notamment celle de rupture conventionnelle, sera privé des indemnités chômage, voire tenu de les rembourser sur demande de l’organisme.
Référence de l’arrêt : Cass. soc du 19 juin 2024, n°23-10.817
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